Quelle est la validité d’une démission envoyée par mail ? Que dit la loi à ce sujet ? Qu’en est-il en pratique ? Et quelles sont les conséquences pour l’employeur ?

Dans un monde de plus en plus digitalisé, le mail est devenu une norme dans la gestion quotidienne des relations professionnelles.

Pourtant, lorsqu’un salarié souhaite mettre fin à son contrat de travail, est-ce que sa démission par mail peut être considérée comme valable ?

Que dit la loi en matière de démission ? Qu’en est-il en pratique ?

En outre, quelles sont les répercussions pour l’employeur lorsqu’un salarié démissionne par mail ?

Les règles légales de validité en matière de démission 

Trois critères essentiels de validité

La démission est le mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) par lequel un salarié met fin à son engagement de manière unilatérale. Le Code du travail ne parle pas de la démission excepté à l’article L.1237-1 qui traite du  préavis. Il ne pose donc pas d’obligation stricte quant à la forme de la démission, ce qui permet de nombreuses interprétations, notamment sur les moyens de communication à utiliser. En effet, les “règles” qui entourent la démission reposent essentiellement sur la jurisprudence.

Pour être valable, une démission doit respecter certains critères essentiels :

La démission concerne-t-elle un CDI, un CDD ?

Dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, il est possible de démissionner de son emploi à tout moment et pour tout type de raison.

En revanche, le CDD présente quelques règles plus strictes.

En effet, le salarié en contrat à durée déterminée étant soumis à une durée de travail définie, il ne lui est pas possible, en principe, de démissionner.

Il peut toutefois quitter son emploi de manière anticipée s’il se trouve dans l’une des deux situations suivantes :

  • Il quitte son emploi pour un CDI dans une autre société.
  • En cas de force majeure.
  • En cas de faute grave de l’employeur.
  • Il a négocié un accord à l’amiable avec l’employeur.

La démission doit être le résultat d’une volonté claire, libre et non équivoque du salarié 

La démission ne se présume pas. Elle doit résulter d’une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat.

En conséquence, le salarié doit être en mesure de démissionner et ne doit pas agir sous la contrainte ou dans des circonstances qui pourraient laisser penser qu’il n’était pas pleinement conscient de sa décision (pressions, émotions fortes, etc.).

Ainsi, la démission donnée dans un état psychologique anormal est une démission équivoque (Cass.soc,n°98-40244, 1er février 2000 : pour un « état dépressif de nature à altérer son jugement »).

Il en est de même de la démission donnée sous l’emprise de la colère ou de l’émotion ( cass.soc. n°97-40689, 7 avril 1999).

La démission doit également être dépourvue d’ambiguïté

Il ne faut jamais présumer de la volonté du salarié de démissionner !

Ainsi, lorsque le salarié ne se présente plus à son poste à l’issue de sa période de congés, ou après un arrêt de travail pour maladie, ou encore lorsqu’il utilise des expressions telles que « Je réfléchis à partir » ou « Je n’en peux plus », il ne s’agit pas d’une démission.

Pas d’obligation de forme écrite dans l’expression de la démission

Le Code du travail ne précise pas de modalité stricte pour formaliser une démission et aucune loi n’oblige le salarié à remettre sa démission par écrit.

En clair, en France, les salariés ne sont pas obligés d’envoyer une lettre de démission par mail ou autre pour mettre fin à leur CDI et, en l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles imposant un formalisme particulier, il est tout à fait possible d’annoncer à l’oral sa volonté de partir.

Une démission peut donc être formulée de manière verbale, par courrier, ou via des moyens électroniques, comme le courrier électronique ou mail.

Cependant, en pratique, cela implique un réel risque. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, pour être valable, la demande de démission doit faire état d’une volonté non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail. De plus, pour le calcul du préavis, il est essentiel de pouvoir définir avec précision la date de début du délai.

Par conséquent, même si cela n’est pas obligatoire, pour des raisons de preuve évidentes, il est fortement recommandé d’établir un écrit, quel qu’il soit : une démission bien formalisée reste le moyen le plus sûr de pouvoir apporter la preuve d’une demande et d’une volonté explicite de quitter l’entreprise et évite les contestations possibles.

Les conditions de validité d’une démission par mail 

La démission par mail doit bien sûr répondre aux conditions de validité de la démission étudiées plus haut.

Mais quelle est la validité juridique d’une telle démission et doit-elle remplir des conditions spécifiques ?

Comme nous l’avons vu précédemment, le Code du travail ne l’interdit pas explicitement.

En revanche, la reconnaissance de cette pratique repose principalement sur la jurisprudence. En effet, plusieurs tribunaux ont déjà été saisis de cas de démissions par mail et ont dû trancher sur leur validité. Dans certains cas, les juges ont considéré que l’email pouvait constituer une preuve de la volonté claire du salarié, à condition que ce dernier ait clairement exprimé son souhait de quitter l’entreprise sans équivoque.

Cependant, il est essentiel que l’employeur puisse prouver, sans doute possible, qu’il a bien reçu l’email de démission, l’identité de l’expéditeur et la volonté claire de ce dernier de démissionner. Pour cela, le mail de démission doit remplir, en plus des conditions générales de validité de la démission, les conditions supplémentaires de validité suivantes :

L’existence d’un accusé de réception et d’une possibilité de traçabilité

Un email seul, sans accusé de réception, présente un risque en termes de preuve. En effet, si la démission par mail est valable, elle ne constitue cependant pas une preuve.

Effectivement, le mail ne permet pas de savoir avec exactitude la date et l’heure de réception de la demande de démission.

L’employeur pourrait contester avoir reçu le mail ou l’avoir vu trop tard, ce qui pourrait compromettre la validité de la démission. En outre, en cas de litige, il peut introduire une action auprès des Prud’hommes pour rupture abusive du contrat.

Il est donc recommandé, pour sécuriser la démarche de démission par mail, d’en assurer l’authentification, la traçabilité et la sécurité, en complétant l’envoi du mail par un courrier recommandé avec accusé de réception ou en demandant un accusé de réception via la Lettre Recommandée Electronique (LRE). En effet, comme la lettre recommandée traditionnelle, la LRE requiert une signature de réception lorsqu’elle est livrée, ce qui constitue une preuve de l’envoi et de la date précise de cet envoi.

En l’absence d’accusé de réception, les tribunaux pourraient exiger que le salarié démontre la bonne réception de son email.

L’expression d’une volonté claire, libre et non équivoque

Pour qu’une démission par mail soit juridiquement valable, il faut que le contenu de l’email exprime clairement la volonté claire, libre et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail. Le mail doit mentionner explicitement que le salarié démissionne, avec une formulation sans ambiguïté.

C’est pourquoi, pour une formulation sans ambiguïté, il est recommandé d’utiliser comme objet du mail un intitulé clair et précis tel que « Lettre de démission » ou « Démission du poste de XXXX », d’employer un ton professionnel et courtois, de préciser la date de départ et de demander les documents de fin de contrat tel que certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation France Travail.

Il n’est pas obligatoire d’indiquer, dans le corps du mail, les raisons de la démission.

À noter : en cas d’ambiguïté sur la volonté claire et non équivoque, le Conseil des prud’hommes peut requalifier la démission en licenciement injustifié (ou sans cause réelle et sérieuse).

Quelles conséquences pour l’employeur de la démission par mail ?

Lorsqu’un salarié informe son employeur de son intention de quitter l’entreprise en lui remettant une lettre de démission, il s’agit d’un acte unilatéral. Ainsi, l’employeur n’a pas à répondre au salarié lorsqu’il est notifié de sa démission.

Cependant, si le salarié envoie sa lettre de démission par mail, l’employeur doit vérifier que la convention collective applicable à l’entreprise ou le contrat de travail ne s’oppose pas à la validité d’un tel envoi.

L’employeur ne peut pas refuser la démission d’un salarié puisqu’il s’agit d’un acte unilatéral et volontaire.

En revanche, si le salarié ne dispose pas du droit de rompre son contrat de manière unilatérale, par exemple un salarié en CDD ou en intérim, il peut s’opposer à la démission.

Aucune disposition légale n’impose à l’employeur de s’entretenir avec le salarié démissionnaire. Cependant, il est recommandé à l’employeur de prévoir un entretien avec son salarié afin de connaître les raisons de sa démission et s’assurer que cette démission résulte d’une volonté claire et non équivoque.

Obligations légales de l’employeur après réception d’une démission

Lorsqu’un salarié démissionne par mail, l’employeur doit traiter cette démission avec la même rigueur qu’une démission formalisée par courrier papier et la gérer de façon rigoureuse pour éviter toute contestation. Cela inclut la gestion des délais et le respect de certaines obligations légales :

Le préavis

Excepté en cas de dispense de préavis convenue entre les deux parties, le salarié est tenu de respecter la durée de préavis prévue dans son contrat de travail ou par la convention collective applicable.

En cas de démission par mail, la date de démission est la date de réception du courrier électronique et le préavis débute à la date de notification de la démission à l’employeur.

Si le salarié entend différer sa date de démission ou le point de départ de son préavis, ou bénéficier d’une dispense totale ou partielle de préavis,  il doit le préciser dans son mail de démission et indiquer la date de démission souhaitée.

À noter : la décision de dispense de préavis est soumise à la discrétion de l’employeur. Si l’employeur dispense le salarié d’effectuer son préavis, il doit lui verser une indemnité compensatrice de préavis.

La mise à disposition du salarié des documents de fin de contrat

L’employeur doit s’assurer de la bonne préparation et de la mise à disposition du salarié démissionnaire de ses documents de fin de contrat, tels que le certificat de travail, l’attestation pour Pôle emploi et le solde de tout compte. Si ces documents ne sont pas fournis en temps et en heure, l’employeur peut être exposé à des sanctions et à des réclamations du salarié.

Le risque de contestation en cas de doute sur la démission

La démission par mail peut comporter des risques de contestation, en particulier si la volonté du salarié de quitter l’entreprise n’est pas suffisamment claire ou si le contenu de l’email est ambigu.

Dans le cas où un email de démission est ambigu ou si l’employeur doute de la validité de cet email (par exemple, si l’adresse électronique utilisée ne semble pas fiable), il doit agir avec prudence. L’employeur peut demander une confirmation écrite du salarié ou lui demander un entretien pour clarifier sa volonté, avant de considérer la démission comme effective.

Un autre risque pour l’employeur réside dans les contestations ultérieures. Si un salarié invoque une démission donnée sous la contrainte ou la pression, et que l’employeur ne peut pas démontrer que le salarié a démissionné de manière libre et volontaire, la démission pourrait être requalifiée en licenciement abusif, entraînant des indemnités pour le salarié.

La démission par mail est donc une pratique acceptée, mais sous conditions. Elle présente des risques juridiques et nécessite de prendre des précautions pour garantir sa traçabilité et la sécuriser.

Avec la transformation numérique croissante des entreprises, cette pratique pourrait, dans le futur, progressivement se généraliser, ce qui doit amener l’employeur à gérer ce mode de démission avec rigueur et prudence.