Le droit de grève en question…

Le droit de grève est un droit reconnu à tout salarié dans l’entreprise, sous conditions. Pour qualifier un arrêt de travail de grève, il doit remplir certaines conditions :

  • La cessation totale du travail sans durée minimale ou maximale (les actions qui consistent à ralentir l’activité ou à en modifier l’exécution habituelle ne constituent pas une grève).
  • La concertation des salariés. Le droit de grève est un droit individuel qui doit être exercé collectivement sans qu’il soit nécessaire que la majorité l’ait décidé. Le droit de grève peut concerner un seul salarié si celui-ci obéit à un mot d’ordre de grève formulé au plan national ou s’il est l’unique salarié de l’entreprise.
  • Des revendications professionnelles dont l’employeur a connaissance au moment de l’arrêt de travail, une communication au moment même du déclenchement de la grève suffisent.

Ce qui n’est pas qualifié de grève

  • Les blocages de l’accès aux sites et du système d’information de l’entreprise, le détournement du matériel et la dégradation des locaux.
  • La « grève perlée » qui consiste à exécuter le travail au ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses
  • La « grève du zèle » qui a pour but de ralentir la production en exécutant le travail de manière excessivement pointilleuse.
  • La « grève tournante » qui comprend des arrêts de travail successifs des différents ateliers ou services d’une entreprise et qui est illicite si elle entraîne une désorganisation de l’entreprise (nuance : des arrêts répétés de courte durée sont licites, même s’ils désorganisent la production et non l’entreprise elle-même).

Les différents types de grèves

  • La grève de solidarité : elle consiste à cesser le travail pour soutenir d’autres salariés (aussi pour d’autres entreprises) et n’est licite que si elle a pour objet de satisfaire des revendications professionnelles.
  • La grève politique : l’arrêt de travail qui vise à contester une décision des pouvoirs publics ou à affirmer une position politique est en principe illicite. Les rares cas où des grèves politiques sont jugées licites concernent des arrêts de travail qui s’inscrivaient dans un mouvement national de mobilisation contre un projet gouvernemental traitant de l’emploi ou des conditions de travail.

Préavis ou pas ?

Dans le secteur privé, les grévistes peuvent déclencher un mouvement de grève à n’importe quel moment sans avoir besoin de déposer au préalable un préavis de grève. Dans les entreprises du secteur public, le préavis de grève est obligatoire.

Conséquences sur le contrat

La grève suspend le contrat de travail, elle ne le rompt pas, sauf faute lourde du salarié. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève.

Un accident survenu pendant une grève ne peut pas être pris en charge au titre d’un accident du travail. Sauf dispositions conventionnelles, les périodes de grèves doivent, en principe, être déduites du temps de travail qui détermine la durée des congés payés. Si le salarié tombe malade avant la grève, les indemnités compensatrices de perte de salaire versées par l’employeur lui sont dues.

Le salarié qui a participé à une grève doit être considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pour toute la durée du mouvement. Il ne peut donc pas prétendre au paiement de son salaire, même si cette période comprend un ou plusieurs jours fériés chômés et payés aux salariés qui continuent l’exécution de leur contrat de travail.

Lorsque des salariés sont en grève le jour fixé dans l’entreprise pour effectuer la journée de solidarité (placée un jour férié précédemment chômé pour lequel le salarié aurait été rémunéré), l’employeur peut effectuer une retenue de salaire.

Sur la rémunération

L’employeur réduit la rémunération des salariés grévistes au prorata du temps de grève (pour être proportionnel à l’interruption de travail, l’abattement du salaire pour fait de grève doit être calculé sur l’horaire mensuel réel des salariés). Toutefois, par exception, l’employeur doit indemniser les salariés lorsque l’arrêt de travail a été rendu nécessaire par un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations.

La réduction peut être proportionnelle au rendement si les grévistes sont payés au rendement. En dehors de cette hypothèse, il est interdit de moduler la réduction de rémunération en fonction du degré de mobilisation des salariés.

La grève peut entraîner la réduction ou la suppression des primes attribuées sous condition de présence dans l’entreprise, sous réserve que les autres absences donnent aussi lieu à retenue, à l’exception de celles légalement assimilées à un temps de travail effectif

Peut-on remplacer les grévistes ?

Il est interdit d’engager des salariés par contrat de travail à durée déterminée ou par contrat de travail temporaire pour remplacer des salariés en grève. L’employeur peut, en revanche, avoir recours à des bénévoles pour assurer la continuité de son activité. Il peut également recourir à la sous-traitance. Par ailleurs, rien n’interdit à l’employeur de faire accomplir aux non-grévistes des heures supplémentaires.

Raisons de licenciement ?

Seule une faute lourde peut légitimer le licenciement ou toute autre sanction disciplinaire d’un salarié gréviste. Cette protection s’applique aux salariés qui sont en grève comme à ceux qui, de près ou de loin, participent au mouvement. Par exemple : il peut y avoir une faute lourde en cas d’entrave à la liberté du travail des non-grévistes, d’occupation des locaux, de menaces ou d’actes de violence, de blocage des services de sécurité, ou de dégradation des biens appartenant à l’entreprise.

Piquet de grève et occupation des locaux

Lorsque les piquets de grève n’empêchent pas les non-grévistes de pénétrer dans l’entreprise, ils ne commettent aucun abus et ne sont, de ce fait, pas susceptibles d’être sanctionnés. En revanche, s’ils interdisent l’accès de l’entreprise au personnel qui désire travailler, leur acte est constitutif d’une entrave à la liberté du travail sanctionnée pénalement et autorise des sanctions qui peuvent aller jusqu’au licenciement pour faute lourde, y compris s’il s’agit de représentants du personnel.

L’occupation illimitée des lieux de travail est une modalité illicite du droit de grève. Elle constitue une atteinte à la liberté du travail et au droit de propriété, ainsi qu’une entrave à la liberté de l’employeur d’exercer son activité. À ce titre, l’occupation des locaux peut, compte tenu des circonstances, justifier un licenciement pour faute lourde et donner lieu à des sanctions pénales. L’employeur peut demander au juge des référés l’expulsion des grévistes si l’occupation du lieu de travail porte atteinte à la liberté de travail des salariés non grévistes et constitue ainsi un trouble manifestement illicite.

Les représentants du personnel circulent en principe librement dans l’entreprise, y compris pendant une grève. Néanmoins, l’employeur peut apporter des restrictions à cette liberté de circulation en cas d’abus, par exemple lorsque les élus grévistes d’un hôtel utilisent des mégaphones et des sifflets, crient, distribuent des tracts et montent dans les étages pour interpeller et intimider les salariés non grévistes.

Lock-out !!

Le lock-out consiste pour l’employeur à fermer temporairement l’établissement en raison d’un conflit collectif. Le lock-out est justifié lorsque le mouvement de grève paralyse la production et rend impossible la fourniture de travail aux non-grévistes, quand l’ordre et la sécurité doivent être maintenus, en cas, par exemple, d’actes de violence des grévistes, pour assurer la sécurité des usagers et des installations.

Si le lock-out est licite, l’employeur n’a pas à payer les salariés non grévistes. En revanche, s’il est abusif, l’employeur sera condamné à verser des salaires aux non-grévistes pendant toute la durée du lock-out. Il devra également verser des dommages et intérêts aux grévistes, car il aura entravé l’exercice du droit de grève.

Règlement amiable

Pour mettre fin à un conflit collectif, l’employeur et les représentants des salariés peuvent recourir à une procédure conventionnelle de conciliation, sous réserve que la convention collective prévoie effectivement une telle procédure.

Si la conciliation légale n’aboutit pas, le conflit est soumis soit à la procédure de médiation, soit à celle d’arbitrage.

La procédure de médiation est engagée par le ministre du Travail ou par le président de la commission régionale de conciliation, à la suite de l’échec de la procédure légale de conciliation. Cette procédure consiste à soumettre le litige à un médiateur, qui constatera sous 8 jours l’accord ou le désaccord des parties.

L’arbitrage consiste à soumettre le litige à une tierce personne (l’arbitre), qui décidera de la solution à apporter au conflit. Contrairement à la proposition du médiateur, qui peut être rejetée, la sentence arbitrale s’impose aux parties.

Responsabilité des acteurs

La responsabilité civile d’un salarié gréviste ne peut être engagée par l’employeur que si l’entreprise a subi un préjudice économique du fait des agissements illicites de ce salarié et que ce préjudice est distinct de celui que tout mouvement de grève provoque.

La responsabilité civile des syndicats ne peut être engagée que s’ils ont pris part à la commission des actes fautifs, par exemple en donnant pour instruction aux salariés grévistes de bloquer tous les accès à l’entreprise ou en incitant les salariés à ne pas exécuter une obligation particulière de leur contrat de travail plutôt qu’à cesser collectivement le travail ou en orchestrant des dégradations, par exemple sous forme d’un incendie de pneus.